"Se cacher dans la nuit, quelle lâcheté !" [Nova Corvus]

Woodan... La cité naturelle par excellence, la cité-arbre, cœur du Clan de la Terre. Elle s'imposait dans le paysage environnant, accordant également une ombre bienfaisante aux voyageurs désirant faire une pause avant d'y entrer.

Une petite caravane peuplée d'artistes itinérants s'approchait. À la fenêtre de l'un des véhicules, une créature étrange, ressemblant à un elfe, mais n'en étant pas un, observait, émerveillée, cette ville qu'elle connaissait pourtant parfaitement. Revenir au lieu de ses origines l'émouvait bien plus qu'elle ne l'aurait imaginé. Après toutes ces années passées sur les routes, revenir en un lieu connu ne la laissait pas indifférente.

Un petit dragon de jade sombre sortit comme par enchantement de la longue chevelure de l'adolescente, qui le caressa, attendrie. Emeria ne faisait entièrement confiance qu'à un seul être en ce monde, et c'était lui, son fidèle Ejolod. Cependant, elle ne quittait pas des yeux la cité qui s'approchait, doucement, majestueusement... En un spectacle magique. Jamais elle n'avait vu sa ville sous cet angle, et elle découvrait un autre aspect magnifique de Woodan.

Soudain, le dragon, qui jusqu'à présent, ondulait sur le bras de sa maîtresse, se glissa sous sa manche. Pourquoi tant de frayeur soudaine ? Une seule explication venait à l'esprit de l'hybride, qui se retourna. Bingo. Quelqu'un approchait. Le meneur du petit groupe.

- Alors ? Quel effet cela te fait-il de retrouver cette capitale ? Emue ?

Elle se contenta de hocher la tête, se retournant vers la fenêtre et reprenant son observation. Son aîné reprit :

- Je viens t'annoncer que nous arrivons au lieu de nos prochaines représentations. Seulement, cette fois, nous serons hébergés par une de mes connaissances. Donc, pas de campement ni de nourriture à préparer, tu pourra retrouver Woodan dès notre arrivée... Ou t'entraîner, comme tu veux.

- D'accord. Merci.

Puis il la laissa seule.

Leur voyage prit fin bien rapidement, en effet. D'emblée, la personne qui les accueillit ne plus pas à Emeria. Trop professionnelle, et, surtout, artificielle, qui s'exprimait avec des phrases toutes faites... Dès qu'elle le put, la jeune fille s'échappa pour retrouver l'air frais du soir à l'extérieur.

Elle préférait de loin la solitude à la compagnie, cela ne faisait aucun doute ! Invitant Ejolod à la rejoindre une nouvelle fois, elle erra dans les rues calmes de la ville pas encore endormie. Le soir tombait, personne ne pouvait donc distinguer le petit dragon blotti sur l'épaule de sa maîtresse, qui redécouvrait des facettes inconnues de la ville.

Une fois encore, ce fut le dragon qui la prévint d'une présence. Après un petit cri, comme un murmure, à l'oreille de l'hybride, son compagnon reprit place dans sa cachette habituelle, au plus profond de la chevelure immaculée. Emeria observa partout autour d'elle, mais ne vit rien. En même temps, la nuit tombait, ça n'aidait en rien. Elle se concentra alors sur les sons... Rien non plus. Qui était là ? Elle devait parler, montrer qu'elle n'avait pas peur :

- Je sais que vous êtes là. Montrez-vous donc, de quoi avez-vous peur ?

Peut-être qu'en accusant cette personne, quelle qu'elle soit, elle arriverait à la faire réagir...

Elle retint un mouvement de recul. Qui était donc cette personne qui pouvait se déplacer sans se faire remarquer, et, surtout, sans bruit ? En effet, bien que son ouïe ne soit pas aussi fine que celle des elfes, elle l'était tout de même plus que celle de la plupart des autres races... Elle l'aurait entendu, si quelqu'un approchait ! Et pourtant...

- Qui êtes-vous ?

Elle l'observa un moment, avant de jouer de nouveau le rôle qu'elle s'était créé :

- Oh, mais vous savez, je n'ai pas peur ! Vous m'avez surprise, c'est tout ! Après tout, je n'ai pas l'habitude de ne pas entendre les pas des gens !

Elle étudia la personne qu'elle avait face à elle. Le moins que l'on puisse dire, c'était que ce genre d'accoutrement était pour le moins... Original, inhabituel. Des cornes ? S'agirait-il d'une faune ? Mais pourquoi DEUX paires de cornes ? Bizarre... Et puis, ces écailles et ces plumes... À quoi avait-elle affaire ?

Serait-il judicieux de lui poser toutes les questions qui lui trottaient dans la tête ? Oh, et puis, après tout, les jeunes personnes, surtout les enfants, étaient toujours curieux, non ? Et puis, elle voulait vraiment ces informations. Alors, elle se lança :

- Euh... Qu'êtes-vous, au juste ? Un faune ? Une sirène ? Un oiseau ? Et d'où vous vient cette couleur de cheveux ? C'est naturel ou vous les avez teints ?

Bon, stop. Elle ne devait pas non plus en faire trop, cela pourrait être suspect. Il était vrai qu'il valait mieux connaître ses adversaires potentiels, mais le but n'était pas de l'irriter. D'autant plus qu'elle ne savait pas de quoi était capable cette personne, ou cette chose. Aurait-elle seulement une chance, si elle la provoquait ? N'étant pas une passionnée de combat ni une inconsciente, elle ne le tenta pas. Inutile de jouer avec le feu quand on pouvait faire autrement.

Belle remise en place. Mais Emeria ne l'entendait pas de cette oreille. Elle ne s'assagirait pas. Quoique... Peut-être un tout petit peu, alors. Et puis, cette femme s'était présentée, c'était à son tour, maintenant.

- Je m'appelle Emeria. Ce que je fais ici ?

Elle hésita. Que dire ? La vérité ? Un mensonge ? Elle finit par opter par une demi-vérité :

- Je fais la même chose que toujours. Je fuis.

Tout simple, prononcé d'un ton montrant bien qu'elle ne voulait pas être interrogée plus précisément au sujet de cette fuite. Elle ne put cependant s'empêcher d'ajouter, une note d'insouciance dans la voix lorsqu'elle prononça la dernière phrase :

- Et je redécouvre ma ville natale. Je me moque bien de ses dangers, je les connais.

Cela serait interprété d'une manière ou d'une autre, elle n'en avait cure. Tout ce qu'elle voulait, c'était être seule, passer un peu de temps avec son timide compagnon, pourquoi cela était-il si difficile à comprendre ? Alors, deux solutions : soit cette personne trouvait rapidement un sujet de conversation assez intéressant pour la retenir, soit elle trouvait un moyen de s'en débarrasser. Quitte à carrément l'abandonner sur place, si nécessaire.

HRP :